Social 31/01/2020
Les heures supplémentaires et leur défiscalisation : explications
C’était en janvier dernier : le décret ordonnant la défiscalisation des heures supplémentaires venait d’être publié. Un geste en réponse à la contestation du mouvement des Gilets Jaunes, permettant la création d’une exonération de cotisations sociales et une exonération fiscale. Avec différentes conséquences, notamment dans l’hôtellerie et la restauration !
Que dit la loi ?
C’est la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales qui, dans son article 2, définit “l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires” et l’exonération “sur l’impôt sur le revenu” dans une limite de 5000 euros par an. Une loi pour ce qu’elle qualifie de trois mesures d’urgence voulant offrir un début de réponse à la crise des Gilets Jaunes. Avec, très précisément, dans le texte :
“Sont exonérés de l’impôt sur le revenu les rémunérations, les majorations et les éléments de rémunérations mentionnés aux I et III de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans les conditions et limites fixées au même article L. 241-17 et dans une limite annuelle égale à 5 000 €.
“Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au respect de la condition prévue au V de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale.”
Un dispositif à destination de tous les salariés et les fonctionnaires… ceux de l’hôtellerie et de la restauration peuvent se frotter les mains !
Si la loi a été votée dans la nuit du 27 au 28 décembre, avant que le décret ne soit publié au Journal Officiel le 25 janvier, elle met en fait en oeuvre de façon anticipée un dispositif qui devait entrer en vigueur le 1er septembre 2019. Un dispositif ne modifiant nullement la définition des heures supplémentaires et concernant autant les salariés du privé que les fonctionnaires des trois fonctions publiques, territoriale, hospitalière, Etat. Une étude publiée fin 2018 estimait à 455 euros par an le gain moyen de cette mesure pour un salarié touchant 1500 euros nets et effectuant 109 heures supp’ par an, la moyenne. Sur ces 455 euros de gain, 190 proviendrait de l’exonération sociale, contre 265 à l’exonération fiscale. Un gain qui progresserait aussi avec le niveau de revenu, même si le plafond de 5000 euros vise à contraindre l’avantage fiscal pour ces derniers.
Des réactions contrastées chez les politiques et sur le terrain, dans l’hôtellerie ou la restauration
Défiscaliser n’est pas augmenter le pouvoir d’achat”, réagissait à l’époque Adrien Quatennens, député LFI dans le Nord, reprochant, tout comme Jean-Paul Dufrègne, député GDR de l’Allier, à cette loi de n’être qu’un avatar des grands axes économiques généraux du gouvernement Fillon passé. Du côté des salariés de l’hôtellerie et de la restauration, les retours issus de reportages divers paraissent moins négatifs. Ainsi, pour Sud Radio, un chef pâtissier se félicitait fin janvier d’avoir fait plus de 40 heures supplémentaires dans le mois. “Avant, ce n’était pas intéressant de faire des heures supplémentaires. Ce n’est pas avec 35 heures en ayant trois jours de repos que vous allez sortir des salaires ! Là, c’est vraiment travailler plus pour gagner plus.”
Dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants
C’est la durée légale du travail et non le contrat lui-même qui constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Or, dans le secteur des CHR, Cafés/Hôtels/Restaurants, plutôt que d’être aligné sur la durée légale, à savoir 35 heures par semaine, il est possible de choisir la durée dite conventionnelle, à savoir 39 heures. Avec cette loi de janvier sur les heures supplémentaires, le salarié travaillant 39h heures comme serveur ou valet de chambre touchera 35 heures de rémunération plus quatre heures relevant des heurs sups, majorées de 10%. Une majoration qui passe à 20% de la 40ème à la 43ème heure et à 50% à partir de 44 heures.
Les heures sups : un cahier des charges précis
Les heures supplémentaires répondent à un cahier des charges précis permettant un encadrement régulé. Ainsi, elles sont décomptées par semaine et correpondent à des heures de travail effectives, ce qui en exclut les arrêts maladie et les congés payés. Elles ne doivent normalement pas être non plus réparties d’une semaine sur l’autre – ce qu’il est parfois difficile de respecter. Et ne sont pas ouvertes aux employés à temps partiels, ces derniers réalisant des heures complémentaires.
Autant d’éléments qui peuvent modifier le quotidien des professionnels du secteur, moins enclins par exemple à faire appel à des extras pour soutenir une augmentation soudaine de l’activité.
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